LANGAGE DE LA THÉORIE ET LANGAGE DE L'ACTION.
ANALYSE LEXICALE DUNE RECHERCHE ACTION SUR LINNOVATION
Valérie Chanal Université de Savoie Laboratoire : IREGE - UFR THT-LEA Domaine Universitaire de Jacob Bellecombette BP 1104 - 73011 Chambéry Cedex Tél : 04 79 75 84 52 Fax : 04 79 75 84 55 EMail : Valerie.Chanal@univ-savoie.fr |
Jean Moscarola Université de Savoie Laboratoire IREGE - UFR C.V.E.G. 4 ch. de Bellevue BP 808 74016 Annecy-le-Vieux Tél : 04 50 09 24 07 Fax : 04 50 09 24 39 Email : Jean.Moscarola@univ-savoie.fr |
Résumé
Cet article vise à mieux comprendre le processus d'énonciation des connaissances en sciences de gestion. L'argumentation est construite sur une double opposition : une opposition énoncé / énonciation et une opposition langue théorique / langue de l'action. L'hypothèse est que les discours scientifiques et pratiques en gestion sont à la fois spécifiques et distincts, tout en s'influençant mutuellement dans l'interaction chercheur - terrain. Cette proposition est illustrée par une étude de cas. Celle-ci met en uvre lanalyse lexicale de plusieurs textes de nature théorique ou pratique, rassemblés dans une thèse en gestion sur le thème de l'innovation. On montre ainsi comment les techniques de lanalyse lexicale peuvent contribuer aux méthodes de la recherche action.
1. Construction des connaissances et élaboration des discours
De récents travaux visant à contribuer à une sociologie de la connaissance scientifique (notamment Matalon, 1996) servent ici de point de départ à une réflexion sur les conditions de production des connaissances et leur formulation (discours) en sciences de gestion.
1.1 Le discours et son objet, la langue et sa référence
A la différence du biologiste ou du physicien, le chercheur en sciences humaines a rarement de prise directe sur le monde matériel des phénomènes. Il agit avant tout dans le monde des représentations, des modèles, de la langue et l'investigation en sciences de gestion doit passer par le langage : paroles, écrits, entretiens, questionnaires.
Suivant Michel Foucault(1966), décrivant l'évolution historique de nos modes de pensée, l'ordre du discours se substitue alors à celui des choses. Ainsi quelles que que soient les difficultés, la tension du processus de recherche dans lobservation autant que dans lécriture devrait conduire le chercheur à contrôler le rapport de son texte à lobjet auquel il sapplique.
1.2. Le discours et ses effets : formulation et communication des connaissances
Les connaissances scientifiques sont élaborées pour être communiquées et venir enrichir un corpus théorique. La spécificité des sciences de gestion, souvent définies comme des sciences de l'action, vient du fait que ces connaissances théoriques ont également vocation à être propositionnelles, et au final, à contribuer à résoudre des problèmes concrets (Martinet, 1990). Ainsi, le chercheur en gestion devra tenir, si l'on peut s'exprimer ainsi, un double langage : un langage scientifique et un langage de l'action. Ce langage de l'action est avant tout performatif comme le note Michel Serres (1990) à propos du langage juridique ou du langage de la gestion. Le gestionnaire, qu'il soit organisateur, décideur ou stratège est, par ses énoncés, textes, décisions et ordres donnés, au cur même de l'action. Sans prise directe sur l'ordre des choses et du monde, il est avant tout homme de commandement. Dun ordre à lautre ...
Nous faisons ici lhypothèse que le langage de la recherche sélabore dans la tension entre deux impératifs : lun, scientifique, du contrôle du rapport entre la théorie et le monde observé, lautre, social, relatif à lengagement du chercheur vis à vis des acteurs qui détiennent laccès au monde quil désire connaître. Ce dernier point est particulièrement important dans le contexte de la recherche action.
1.3. La recherche-action : un espace de parole
Un texte récent de Resweber (1997) rappelle les caractéristiques de la recherche-action et l'importance de la parole dans ce processus. La recherche-action a pour effet de produire du savoir, en mettant en synergie un savoir théorique (modèles, outils, ..) et un savoir pratique, défini par les visées, les valeurs et les règles de l'action. Ainsi, l'auteur rappelle que la recherche-action vise à extraire le savoir engagé dans la pratique et à le confronter avec les modèles théoriques. Resweber, en distinguant trois formes complémentaires de la recherche-action (recherche-action comme sémantique de l'action, comme herméneutique de l'action et comme axiologie de l'action), relève que, dans ces trois dimensions, la recherche-action n'est autre qu'une mise en circulation de la parole, qui est à la fois instrumentale et conviviale, au service d'un projet collectif. La langue en est le support.
Partant de ces considérations sur la condition de production des connaissances dans les situations de recherche-action en gestion, nous pouvons articuler notre réflexion sur plusieurs oppositions : lopposition énoncé des connaissances / processus dénonciation , lopposition discours scientifique / discours de laction, lopposition discours du chercheur / discours des acteurs.
La dialectique discours du chercheur/discours des acteurs est particulièrement importante dans les situations de recherche-action où les connaissances se construisent dans linteraction chercheur/terrain. Une lecture critique des énoncés produits par le chercheur dans ces situations de recherche doit permettre à celui-ci d'éclairer le processus d'interprétation de ses observations, ce qui suppose la compréhension du système de croyances de ces interlocuteurs, et l'explicitation de son propre système de croyances et des règles d'interprétation.
A travers l'étude empirique de la langue utilisée dans une situation de recherche en gestion, nous chercherons à retrouver la trace de ces multiples tensions pour ensuite engager une réflexion sur la maîtrise du langage dans le travail de recherche. Nous allons tenter de montrer comment lanalyse lexicale nous permet dadopter cette posture critique.
2. La posture critique : prendre de la distance par rapport au texte
L'expression analyse lexicale renvoie d'une part à un ensemble de techniques statistiques appliquées aux données textuelles (Muller,1993 ; Lebart et Salem, 1994 ; Moscarola, 1994) et d'autre part à différents courants de recherche visant à l'analyse des textes : pragmatique linguistique, analyse de contenu (Berelson, 1954), analyse de discours, sémiologie (Floch,1988).
2.2 Lanalyse lexicale : techniques et méthodes
Ces techniques ont pour but d'extraire du (des) texte(s) analysé(s) - le corpus - un autre objet d'étude et d'analyse : le lexique ou ses dérivés.
La méthode repose sur le calcul de la fréquence avec laquelle chaque mot du corpus apparaît de manière isolée, en association avec d'autres mots ou selon le contexte. On met ainsi en évidence les répétitions, ou les absences, les leitmotiv, les spécificités qu'on pourra alors interpréter pour approcher les contenus ou caractériser l'énonciation. Cette approche présente deux avantages. Elle permet de réduire considérablement le volume d'information à lire et à analyser. De plus, en mettant le texte en pièces, elle offre d'autres possibilités de lectures, non plus orientées par le sens de surface (apporté par la phrase et son contexte), mais par le contenu lexical des mots utilisés et les propriétés statistiques que la fréquence de leurs usages permet de mettre en évidence.
Les procédures de l'analyse des données textuelles permettent ainsi de construire à partir du texte de nombreux indicateurs ( richesse lexicale, indices de spécificité, segments répétés, associations ...) et de conduire à d'autres point de vue sur le corpus étudié.
La prise de distance critique par rapport aux nombreux discours et textes sur lesquels s'élabore toute recherche action peut ainsi être trouvée dans le détour de l'analyse lexicale que nous venons d'évoquer brièvement.
Du langage de la théorie à celui de l'action, que peut-il nous apprendre sur le processus qui s'opère au cours des différentes phases de la recherche ? Les transformations à l'oeuvre ne sont-elles que le reflet des différentes postures du chercheur (effet d'énonciation) ou traduisent elles une maturation de la connaissance du monde dont il est question (effet d'énoncé et de connaissance) ?
Avant d'illustrer ces problématiques sur notre cas, examinons quels fondements théoriques donner aux procédés de l'analyse lexicale.
2.3. Actes de langage et modèles mentaux
La théorie des actes de langage se situe à larticulation des travaux statistiques de Muller (1993) et de la réflexion philosophique et linguistique (Searle,1972 ; Austin, 1970). Elle conduit à considérer le corpus à analyser comme le résultat d'un processus d'énonciation. En adoptant ce point de vue, on ne s'intéresse plus au sens de l'énoncé mais aux décisions lexicales qui sont à l'origine de la séquence des mots composant chaque phrase du texte. Ces décisions, "actes de langage", s'appliquent au choix des mots. Cest ce choix qui fait sens. Il est orienté par différents facteurs : la langue dans laquelle on s'exprime, le monde auquel le texte fait référence, le contexte social et culturel, la variété individuelle.
A ces facteurs, vient sajouter leffet des modèles mentaux (Johnson Laird, 1994) qui conditionnent les actes de langage et structurent la manière dont ils sont associés dans lénonciation. On peut en retrouver la trace en mettant à jour dans le texte les associations lexicales remarquables.
La vocation de la statistique lexicale est ainsi dêtre à lorigine dun étonnement face au texte, dune prise de distance radicale, dune nouvelle interrogation.
La théorie des actes de langage et des modèles mentaux offrent un cadre pour interpréter les indications du dénombrement statistique. Du discours de la théorie à celui de laction, quelle est linfluence des objets auxquels on se réfère et celle des postures adoptées, existe-t-il des modèles dont lempreinte différenciée marquerait la spécificité de chacun de ces langages. A quelles autres références de langue et des discours font-il appel (la recherche, lenseignement, laction....) ? Autant dinterrogations que nous allons essayer dillustrer.
3. Etude de cas : la question de linnovation
Le cas étudié est une recherche portant sur le processus d'innovation dans les entreprises industrielles, qui a donné lieu à une thèse en sciences de gestion (Chanal, 1995).
3.1 Le corpus étudié
Pour conduire cette recherche, l'auteur a effectué une revue de la littérature qui constitue les premiers chapitres de la thèse. Ces concepts ont été articulés dans un modèle théorique qui a été instrumentalisé sous forme d'un outil logiciel. Ce logiciel est constitué d'une base de règles (issues de la théorie) et d'un ensemble de questionnaires, destinés à évaluer les perceptions de différents responsables d'entreprise, à propos de ces règles théoriques. L'utilisation de l'outil et les entretiens conduits avec plusieurs responsables dans trois entreprises a donné lieu à la rédaction de rapports de diagnostic remis à chacune des entreprises. Enfin, les résultats des observations ont été articulés à la théorie pour proposer de nouvelles hypothèses dans le cadre d'un nouveau modèle théorique.
Ainsi le chercheur est passé d'un matériau scientifique (revue de la littérature) à la constitution d'un instrument d'observation (logiciel constitué de règles et de questions : les outils), qui a permis, au contact avec les discours des acteurs, de produire deux types d'énoncés : les énoncés destinés aux entreprises (rapports de diagnostic) et les énoncés scientifiques (derniers chapitres de la thèse). Ce cheminement nous semble suffisamment représentatif de nombreuses recherches qualitatives en gestion pour servir d'illustration à notre recherche sur la langue (Fig. 1).
Fig.1 : Différentes formes de langage au cours d'un processus de recherche-action
3.3 Les données de lanalyse lexicale
Dans cette communication, nous ne nous référerons quà une petite partie des analyses effectuées, dans le but dillustrer la problématique présentée. Les commentaires qui suivent sont fondés sur les données présentées en annexe. Elles répondent à la volonté de mettre en évidence la spécialisation lexicale propre à chaque type de document : la thèse (langage de la théorie), les outils (règles et questionnaires) et les commentaires aux entreprises (langage de lintervention).
a) De la théorie à laction : lenrichissement de la variété lexicale
Les corpus analysés sont de longueur très différente. Le texte théorique de la thèse est près de 4 fois plus long que celui des outils et des commentaires. Il comporte de ce fait un lexique (mots pleins différents) bien plus abondant et sa répétitivité est supérieur (près de 3 fois) à celle du texte des outils et des commentaires (Tableau 1). Cet indicateur appliqué à des textes de longueur différente doit être corrigé pour tenir compte de l'effet taille (Cosette). Les test de Herdan et de Yule confirment ainsi l'indication selon laquelle la variété du discours théorique est moins grande que celle de la langue des outils et du commentaire.
Ce constat peut être interprété en référence à la norme d'économie du langage scientifique dont la généralité selon Bachelard le situe à un niveau d'abstraction plus élevé. A contrario, le langage des outils et des commentaires s'alimente à la variété des situations concrètes. Par exemple, on peut noter la présence de mots du jargon propre à l'entreprise dans les commentaires : ainsi le mot anglais technical qui fait partie du terme technical marketing est utilisé 10 fois dans le rapport à l'entreprise C.
b) Langage de la théorie et langage de lintervention : indicateurs de la spécialisation lexicale
La lecture des tableaux 2, 3, 4 et 5 conduit en terme d'énoncé à mettre en évidence les différences quant aux mondes auxquels chacun de ces discours renvoie.
Les mots processus et innovation par exemple, qui sont les mots les plus fréquents du corpus "Thèse" ont pratiquement disparu du corpus "Commentaires", alors que c'est bien du phénomène de l'innovation que le chercheur est censé parler, y compris aux interlocuteurs des entreprises. D'une manière générale, des mots concepts comme processus, innovation, information (au singulier), organisation, communication, décision, modèle, acteurs, qui figurent parmi les 20 mots les plus utilisés dans le corpus théorique, ne figurent pas parmi les 20 premiers mots du corpus de l'intervention. A l'inverse, des mots désignant des personnes tels que personnes, équipe, direction, groupe, responsable sont représentatifs du corpus de l'intervention. Une première constatation, qui n'est guère surprenante, est donc que le corpus de la théorie est caractérisé par les concepts, alors que le langage de l'intervention s'intéresse aux actions concrètes d'individus.
Certains mots en revanche reviennent en tête de chacun des documents. Il s'agit par exemple des mots tels que entreprise, produit, projet, information, développement, clients. On pourrait penser qu'il s'agit là des objets de recherche communs auxquels chacun des documents renvoie. Cependant, les formes de l'énonciation attestées par le singulier ou le pluriel font apparaître des différences significatives. Par exemple : Entreprise au singulier est l'usage quasi-exclusif de la langue des outils et des commentaires alors que dans le corps de la thèse c'est Entreprises au pluriel qui se trouve sur-représenté. Les entreprises comme objet d'observation ou l'entreprise comme cible des préconisations...
L'analyse des mots spécifiques et sur-représentés (tableaux 3, 4, 5) confirme la spécialisation lexicale des deux corpus. Les mots processus et innovation sont sur-représentés dans le corpus théorique, alors que les mots personnes, chef, responsable sont sur-représentés dans le corpus de l'intervention. Dans ce dernier, on trouve également des mots relatifs à l'évaluation du chercheur sur la situation tels que : satisfaisante, suffisamment, bonne ou globalement.
c) Innovation : un mot de la théorie quasiment absent du langage de laction
Le thème même du sujet de la recherche apparaît dune manière très inégale selon que le discours est théorique ou non. Les tableaux 4 et 5 présentent les mots sur- et sous-représentés. (Lindice de spécificité utilisé ici est égal au rapport entre la fréquence observée et la fréquence quon obtiendrait dans lhypothèse dune répartition proportionnelle des actes de langages.)
On constate ainsi que innovation et processus sont sur-représentés dans la thèse, et sous-représentés dans le texte des outils et des commentaires. En examinant dune manière plus précise les différents contextes du terme innovation et en distinguant dans le corpus de la thèse le cadre théorique des résultats, on peut mettre en évidence une évolution significative de processus dinnovation (objet de connaissance) à management de linnovation (point de vue particulier aux sciences de gestion). La fréquence relative demploi de ces 2 notions dans le cadre théorique dune part et dans la présentation des résultats dautre part illustre bien la quête et les finalités de la recherche en gestion. Ces dernières seules justifient lemploi de la notion dans le contexte des outils et des commentaires : (l)innovation produit, projet (d)innovation, stratégie dinnovation, (l) innovation fait...
Dans le langage de la théorie, le mot innovation associé à processus désigne, sur un plan théorique, l'ensemble des actions conduites par des entreprises pour imaginer, concevoir et développer leurs nouveaux produits. Comprendre comment sont articulées ces actions, comment sont prises les décisions qui les fondent, tel était l'objectif scientifique poursuivi par le chercheur. Mais une fois sur le terrain, le chercheur ne parle plus d'innovation, ni de processus. Les mots utilisés sont : projet, produit, nouveau (plutôt qu'innovation), développement ou encore cahier des charges (ce dernier mot étant absent de la théorie). D'un côté, on fait référence à l'innovation en général (la théorie), de l'autre, on doit se référer, pour être compris, et en même temps pour pouvoir avoir accès à des phénomènes concrets, aux projets de l'entreprise qui expriment une volonté d'action, et également aux produits qu'elle développe qui représentent les résultats tangibles d'un processus, qui lui reste intangible.
d) Information et informations : variation de lobjet de référence ou variation de la posture du chercheur ?
Le mouvement de la recherche action se nourrit dun aller et retour entre la théorie et laction, entre la connaissance et la prescription (Resweber, 1997). Celui-ci se manifeste dans le choix des termes mais aussi dans des nuances plus subtiles qui ne sexpriment pas nécessairement par le choix de mots différents. On glisse ainsi de lénoncé, ce dont on parle, à lénonciation, la manière dont on le fait.
A cet égard les variations entre information et informations sont révélatrices. Le tableau 7 met en évidence que, dans sa forme plurielle, informations est fortement sur-utilisée dans le langage des outils et des commentaires alors quon la retrouve plus fréquemment au singulier dans le langage théorique de la thèse. Lexamen des associations faites sur chacune de ces formes en précise la signification (tableau 8 et 9). Le singulier renvoie aux concepts généraux, système dinformation, flux dinformation... alors que le pluriel ancre plus dans les circonstances de laction : remontée dinformations, informations stratégiques, informations marketing ...
La carte présentée dans la figure 10 illustre ce glissement de labstrait au concret, de la théorie à laction. A gauche les formes singulières, à droite les formes plurielles. Ainsi par exemple on passe de informations_recueillies, sources_informations remontées_informations, à sources_information, flux_information, source_information. Ce passage met en évidence que le chercheur utilise une forme quand il sadresse aux acteurs du terrain, pour en choisir une autre quand il se situe au niveau de la théorie. Lobjet de son discours reste-t-il le même ou non ? De sources dinformations à source dinformation, a-t-on à faire à un effet de traduction du langage du terrain dans celui de la théorie ou à linterprétation par des termes différents de réalités elles-mêmes différentes. Mais alors, le chercheur ne devrait-il pas lever lambiguïté par un acte dauteur en créant un mot ou une expression particulière qui distingue sans pour autant interdire la communication. Cest peut être là le challenge de la recherche-action. Il se situe dans la création dun langage à mi-chemin de la théorie et de laction.
Conclusion
Dans les situations de recherche-action telles que celle que nous avons étudiée, le chercheur vient sur le terrain avec un modèle théorique quil met à lépreuve de l'observation pour en tirer des connaissances. Opérant entre deux langages : celui de la théorie et celui de l'action, on peut le considérer comme interprète avant quil ne devienne auteur dans la production de son travail scientifique, ou même acteur à son tour par les prescriptions quil sera amené à formuler.
Lanalyse lexciale nous a conduit à réfléchir au processus de construction de ces discours. A bien des égards nous navons fait queffleurer les techniques et méthodes pour lancer quelques pistes de réflexions. Mais nous pensons quil sagit là dune voie féconde autant pour lenrichissement des méthodes de recherche que pour la réflexion épistémologique.
La lecture et l'interprétation des résultats d'une analyse lexicale peut déboucher sur de nouvelles conjectures aussi utiles au contrôle méthodologique d'un travail de recherche en cours qu'à une réflexion a posteriori sur les sciences de gestion.
Lanalyse lexicale en déconstruisant le texte et en isolant les mots de leur contexte immédiat conduit ainsi au processus de recherche si bien décrit par Foucault dans les mots et les choses.
ll s'agit d'inquiéter les mots que nous parlons, de dénoncer le pli grammatical de nos idées, de dissiper les mythes qui animent nos mots, de rendre à nouveau bruyant et audible la part de silence que tout discours emporte avec soi lorsqu'il sénonce... retourner les mots du côté de tout ce qui se dit à travers eux et malgré eux.
Cest dans cette déconstruction que peuvent être mis à jour les processus délaboration de la connaissance. Lanalyse lexicale donne à ce processus les moyens de sa propre critique.
Références
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Austin, J.L. (1970). Quand dire c'est faire, Paris : Masson.
Bachelard, G. (1928 à 1953). Epistémologie, textes choisis par Dominique Lecourt, Paris : Presses Universitaires de France, 1971.
Bachelard, G. (1938). La formation de l'esprit scientifique, Paris : Librairie J.Vrin, 1986
Barthes, R. (1985). L'aventure sémiologique, Paris : Seuil.
Berelson, B.V. (1954). Content Analysis, Handbook of Social Psychology, G. Lindzey Ed, Readings, Addison Wesley.
Chanal, V. (1993). Le management de l'innovation de produit industriel : mise en uvre d'une démarche de diagnostic pour améliorer notre compréhension du processus, Thèse de doctorat en sciences de Gestion, ESA, Université Pierre Mendès France de Grenoble.
Dolle, J.M. (1997). Pour comprendre Jean Piaget, Paris : Dunod, 3ème ed.
Foucault M. (1966). Les mots et les choses, Paris : Gallimard.
Floch, J.M.(1988). The contribution of structural semiotics to the design of a hypermarket, International Journal of Research in Marketing, 4, 3, Semiotics and Marketing Communication Research, pp. 217-232.
Ghiglione, R. et Blanchet, A. (1991). Analyse de contenu et contenus d'analyses, Paris : Dunod.
Johnson-Laird, P.N. (1994). L'ordinateur et l'esprit, Paris : Odile Jacob.
Laurier, D. (1993. Introduction à la philosophie du langage, Paris : Mardaga.
Lebart, L. et Salem, A (1994). Statistique textuelle, Paris : Dunod.
Martinet, A.C. (1990). Grandes questions épistémologiques et sciences de gestion, in : Epistémologies et sciences de Gestion, coord. par A.C. Martinet, Paris, Economica, pp. 9-29.
Matalon, B. (1996). La construction de la science, de l'épistémologie à la sociologie de la connaissance scientifique, Lausanne : Delachaux et Niestlé.
Mishler, E.G. (1991). Research Interviewing. Context and narrative, Harvard University Press.
Moscarola, J. (1994). Les actes de langage- Protocoles d'enquêtes et analyse des données textuelles, Colloque Consensus Ex-Machina, La Sorbonne, Paris, avril.
Morin, E. (1991). La Méthode. Tome 4 : Les idées, leur habitat, leur vie, leurs moeurs, leur organisation, Paris : Seuil.
Muller, C. (1993). Principes et méthodes de statistique lexicale, Genève : Champion.
Popper K. (1963), Conjectures et réfutations, Paris, Payot.
Resweber J.P. (1997). La recherche-action, Paris : PUF (Que Sais-je ? n° 3009).
Serres, M. (1990). Le contrat social, Paris : François Bourin.
Von Glasersfled, E. (1988). Introduction à un constructivisme radical, In : Watzlawick P., L'invention de la réalité. Contributions au Constructivisme, Paris : Seuil.
Le Sphinx Lexica a été utilisé pour réaliser les analyses lecicales.
Annexes
De la théorie à laction : l enrichissement de la variété lexicale
|
THESE |
OUTILS |
COMMENTAIRES |
ENSEMBLE |
Nombre total de mots pleins (N) |
26204 |
3684 |
3574 |
33462 |
Pourcentage du corpus |
78.3% |
11.0% |
10.7% |
100% |
Nombre de mots différents (V) |
4372 |
1063 |
1038 |
4742 |
Nombre de mots exclusifs |
3196 |
175 |
138 |
|
Nombre d'hapax |
1763 |
127 |
107 |
1997 |
Fréquence maximum |
526 |
84 |
85 |
544 |
Répétition moyenne |
5.99 |
3.47 |
3.44 |
7.06 |
Mot le plus fréquent |
processus |
entreprise |
marketing |
Processus |
Herdan Log(V)/log(N) |
0,823988 |
0,848643 |
0,848879 |
|
U log2(N)/(log(N)-log(V)) |
25,10259 |
23,56235 |
23,51194 |
|
Les variations de la répétitivité moyenne confirmées par les tests de Herdan et de Yule attestent du fait que la variété lexicale du texte de laction (outils et commentaires) est supérieure à celle du texte théorique.
Les indicateurs de spécialisation lexicale
Tab - 2 - Liste des mots les plus fréquents
Tab - 3 - Liste des mots exclusifs
Tab - 4 - Liste des mots spécifiques les plus sur-représentés
Tab - 5 - Liste des mots spécifiques les plus sous-représentés
Innovation : un mot de la théorie quasiment absent du langage de l'action
Tab. 6 - Tableau lexical des segments répétés construits sur innovation
MOTS/CAT |
THESE (théorie) |
THESE (résultats) |
OUTILS |
COMMENT |
TOTAL |
processus innovation |
124 |
44 |
0 |
0 |
168 |
management innovation |
20 |
17 |
0 |
0 |
37 |
innovation produit |
28 |
1 |
1 |
0 |
30 |
projet innovation |
19 |
2 |
3 |
0 |
24 |
cours processus innovation |
19 |
5 |
0 |
0 |
24 |
stratégie innovation |
8 |
8 |
4 |
2 |
22 |
projets innovation |
15 |
7 |
1 |
1 |
24 |
innovation entreprise |
12 |
3 |
0 |
0 |
15 |
compréhension processus innovation |
5 |
6 |
0 |
0 |
11 |
innovation peut |
11 |
0 |
0 |
0 |
11 |
capacité innovation |
4 |
4 |
0 |
0 |
8 |
innovation entreprises |
1 |
6 |
0 |
0 |
7 |
innovation technologique |
4 |
1 |
1 |
0 |
6 |
élaboration stratégie innovation |
2 |
4 |
0 |
0 |
6 |
impliqués processus innovation |
6 |
0 |
0 |
0 |
6 |
innovation fait |
4 |
0 |
2 |
0 |
6 |
innovation incrémentale |
3 |
3 |
0 |
0 |
6 |
innovation processus |
6 |
0 |
0 |
0 |
6 |
nouveauté innovation |
6 |
0 |
0 |
0 |
6 |
Information et informations :
Variation de l'objet de référence ou variation de la posture du chercheur ?
Tab - 7 - Les usages selon le type de document :
nombre d'apparitions et spécificités
MOTS/CAT |
THESE |
OUTILS |
COMMENT. |
TOTAL |
informations |
205 (0.73) |
75 (1.89) |
81 (2.10) |
361 |
information |
199 (1.15) |
11 (0.45) |
10 (0.43) |
220 |
Tab - 8 - Associations sur Informations
Tab - 9 - Associations sur Information