[1] Nous appelons "séries textuelles chronologiques" les corpus homogènes constitués par des textes produits dans des situations d'énonciation similaires, si possible par un même locuteur, individuel ou collectif, et présentant des caractéristiques lexicométriques comparables. On trouvera une biblioraphie relativement complète sur ce sujet dans [Salem 1993].

[2] Cf. dans le présent numéro les articles de Josette Lefèvre etc.

3 Cf. [Salem 1988].

4 Dans ce qui suit, nous noterons +Exx une spécificité positive à laquelle est attachée une probabilité d'ordre 10-xx (resp. -Eyy une spécificité négative pourvue d'une probabilité d'ordre 10-yy).

5 Cette vérification s'opère très facilement à l'aide d'une concordance dont les lignes de contexte sont triées en fonction de la forme qui précède la forme-pôle. On vérifie alors en parcourant les lignes de contexte correspondant à chacune de ces deux formes qu'elles sont presque toujours précédées par des déterminants (les, des, aux, etc.). Cette méthode permet de conclure rapidement que l'on se trouve confronté à des formes graphiques qui correspondent bien à des substantifs.

6 Toutes ces impossibilités ne concernent pas le plan sémantique, on peut avancer l'hypothèse que le principal obstacle à la substitution du couple *(salariés et salariées) au couple travailleurs et travailleuses réside dans l'impossibilité qu'il y a à distinguer les deux premières formes au plan phonique.

7 Evelyne Serverin, chercheuse dans le domaine des sciences juridiques que nous avons consultée sur ce point nous a fourni des précisions intéressantes dont nous reproduisons quelques extraits.

/.../le terme de travailleur n'a jamais constitué un concept juridique, ce qui signifie que son emploi ne s'est jamais distingué de celui de la langue ordinaire. Mieux, en raison de son sens trop général, le mot travailleur n'est pas employé dans les textes juridiques, qui disposent d'un glossaire spécialisé pour désigner chaque catégorie d'emploi.

/.../ En revanche, le mot salarié appartient au langage du droit, et renvoie à une forme particulière d'emploi à laquelle sont rattachées un nombre considérable de dispositions juridiques de toute nature (procédurales, sociales, fiscales...). Cependant, la catégorie de salarié n'a pas de véritable autonomie, et se définit par renvoi à celle de contrat de travail.. En effet, la doctrine définit ce contrat comme "une convention par laquelle une personne, le salarié, met son activité professionnelle à la disposition d'une autre personne, l'employeur ou patron, qui lui verse en contrepartie un salaire et a autorité sur elle", (Lexique des termes juridiques, Dalloz). C'est donc le contrat de travail qui permet de définir le salarié, et non l'inverse.

/.../ Si l'usage du terme de salarié est fixé depuis plus d'un siècle, on constate depuis les années 1982 un changement dans la manière de considérer le contrat de travail. En effet, après avoir été longtemps considéré comme le prototype du travail dominé, le contrat de travail salarié, et singulièrement le contrat de travail à durée indéterminée, est aujourd'hui revendiqué comme la forme juridique la plus favorable aux salariés. Ce changement de connotation résulte de la montée de ce que l'on appelle les conventions de travail atypiques, qui n'obéissent pas au régime du contrat de travail de droit commun, et tendent à se substituer à ce dernier en ce qui concerne une fraction croissante de la population active. Cette menace qui pèse sur la forme d'emploi salarié opère donc un changement de connotation, sur fond d'une définition juridique inchangée.

8 Pour plus de détails sur la sélection des formes chrono-homogènes à une forme donnée, on se reportera à [Salem 1993], vol 2, p 501-525. Rappelons ici que ces formes sont sélectionnées à l'aide d'un algorithme de classification ascendante hiérarchique utilisant la distance du chi-deux.

9 La forme travailleurs voit sa fréquence relative diminuer fortement au cours du congrès CFTC de 1975. Cette fréquence remontera dès le congrès suivant avant de décliner progressivement comme nous l'avons signalé par ailleurs. Le fait que le congrès CFTC de 1975 soit particulièrement court avec ses 3 453 occurrences milite plutôt pour que nous ne prêtions pas trop d'attention à cet écart. D'un autre côté, le fait que nous observions un phénomène sensiblement analogue (baisse de la fréquence relative des occurrences de salariés dans une période qui n'est pas très éloignée de 1975) lors du congrès de 1977 de la centrale Force Ouvrière (lequel est de taille tout à fait comparable aux autres congrès de la série FO) signifie peut-être qu'il faut chercher les raisons de ce double phénomène lexical dans la conjoncture du moment.

10 Signalons cependant qu'une telle étude pourrait être entreprise dans la mesure où chaque centrale émet, pendant la période qui sépare deux congrès, un certain nombre de documents très comparables aux textes de congrès.